Sous la pluie et les plumes : un premier défilé magique au Sambodrome pour Caro
Cet article est différent de ce que vous trouvez ici d’habitude. En effet, j’ai lancé un appel à témoignages pour recueillir des récits intimes de danseuses de Samba lors de leur premier défilé à Rio.
Aujourd’hui, je vous invite à plonger dans le témoignage de Caroline, une danseuse passionnée et profondément investie dans la Samba à Paris. Le récit de Caro m’a bouleversée : il m’a donné des frissons, m’a émue aux larmes. Bref, Caro partage son histoire avec une sincérité touchante. À travers ses mots, Caro nous fait ressentir chaque émotion et revivre son premier défilé au carnaval de Rio comme si nous y étions. Je vous laisse découvrir son témoignage vibrant et authentique. Prenez le temps de le savourer, et surtout n’hésitez pas à partager vos impressions dans les commentaires. J’ai vraiment hâte de lire vos réactions !
La rencontre avec Davina Samba
Mon premier défilé à Rio remonte à février 2019. J’ai rencontré Davina Samba l’année précédente, en 2018, lors d’un cours de capoeira, une discipline brésilienne que je pratiquais depuis plusieurs années. Ce jour-là, une initiation à la Samba avait été proposée.
J’ai tout de suite été charmée ! Ça m’a donné envie de me remettre à la danse après quelques années passées dans la salsa. C’est donc en septembre 2018 que je m’inscris aux cours de Samba et m’initie aux premiers rythmes brésiliens.
L’opportunité de partir défiler à Rio
Chaque année, Davina organise un voyage à Rio. C’est au mois d’octobre qu’elle me propose de partir avec elle et d’autres élèves pour le prochain carnaval de Rio, en février 2019. Très hésitante car clairement très débutante, je me dis qu’on n’a qu’une vie et que ce serait une expérience incroyable à vivre. En plus d’être une occasion unique de découvrir la culture brésilienne de l’intérieur. Et comme j’adore voyager, ça tombe à pic !
Préparation physique et mentale
Je me lance donc dans cinq mois d’entraînement intensif, en participant à presque tous les cours de Samba. Davina nous prépare physiquement avec des répétitions spécifiques assez intenses. Elle nous fait danser la Samba entre 45 minutes à 1h30 sans pause, pour nous habituer au rythme du défilé. Je me mets aussi à faire des séances de renforcement musculaire en semaine le matin (bon, pas tous les jours, mais au moins trois fois par semaine).
En décembre, je ne réalise toujours pas que dans une trentaine de jours, je serai à Rio, prête à vivre le plus grand carnaval du monde. L’excitation monte, mais sans réellement y croire. C’est un sentiment assez partagé à ce moment-là.
Puis quand vient le moment pour moi de prendre l’avion (avant les autres élèves de mon groupe, pour prolonger un peu le séjour), je me dis enfin : « Ça y est, je vais vivre quelque chose de grandiose. » En tout cas, je l’espère, et je pars avec cette idée en tête.
Arrivée à Rio et immersion dans l’effervescence du pré-carnaval
À mon arrivée à Rio, le berceau du Samba, je me suis tout de suite laissée emporter par l’ambiance effervescente de la ville. Le carnaval approche, et l’énergie palpable qui règne ici est totalement contagieuse !
J’enchaîne découverte de Rio et stages de danse, avec notamment l’événement incontournable pour tous les passionnés de Samba du monde entier : le Brasil Samba Congress. En parallèle, je poursuis les répétitions intensives avec Davina et les autres filles sur la chorégraphie apprise en France.
Je découvre aussi les ensaios (répétitions) avec Alegria da Zona Sul, l’école pour laquelle je vais défiler. En soirée, nous assistons aux ensaios des autres grandes écoles de Samba comme Vila Isabel et Mangueira pour s’imprégner encore plus de la Samba et de l’expérience du carnaval.
L’émotion très forte du premier ensaio técnico (répétition générale au sambodrome)
Les ensaios tecnicos, ce sont des répétitions grandeur nature, en plein Sambodrome, qui nous plongent directement dans l’expérience du défilé.
Pour mon premier ensaio tecnico, j’ai fondu en larme à la fin de la répétition. Excitée et concentrée quand je suis arrivée sur le Sambodrome, j’ai tout lâché à la fin, car je réalisais que j’allais vivre quelque chose de fort (et aujourd’hui encore, j’ai des frissons en y repensant).
La découverte du costume
Puis est venu le moment tant attendu : la découverte de mon premier costume, celui que je porterai sur un char.
Le rendez-vous pour la livraison des costumes était fixé à 8h00 du matin. On était toutes excitées, prêtes à découvrir nos tenues. Mais l’attente a été longue : plus de 3 heures de retard. L’excitation du début de journée avait laissé place à la fatigue et à une pointe de déception, comme lorsqu’on attend un cadeau qui ne semble jamais venir.
Lorsque les costumes nous sont enfin livrés, nous commençons les essayages sans l’excitation de début de journée, mais quand même heureuses de découvrir notre costume. Quelques changements de taille entre filles, quelques retouches ici et là, notamment du bikini pour ma part. Et enfin, les premières photos entre nous pour voir le rendu final.
Cette photo, je la garde secrètement jusqu’au défilé. Je l’envoie quand même à ma famille en leur demandant bien sûr de ne pas la partager avant l’événement — une règle stricte imposée par les écoles de Samba pour garder la surprise jusqu’au grand jour.
Le Jour J : mon premier défilé sur un char, pour l’école Alegria da Zona Sul
Le grand jour du premier défilé est enfin arrivé ! Ce matin-là, j’ai envie de rester seule. Je ressens un mélange de stress, d’excitation et de fatigue. J’avoue ne pas réussir à gérer toutes ces émotions au milieu des autres filles. Je choisis donc de passer un moment seule pour me concentrer, ne penser à rien d’autre et profiter de la journée. Je pars me balader sur la plage de Copacabana, sans avoir de plan précis, juste l’envie de me vider la tête. Là, je ne sais pas pourquoi mais je décide de me faire tresser par une magnifique dame sur la plage. C’était comme un clin d’œil à mon costume du soir dont le thème est Sirène. Ce moment me fait du bien, m’aide à me détendre et à ne plus penser à rien d’autre.
Préparation et maquillage pour le défilé
L’après-midi, on se retrouve toutes ensemble avec les filles afin de nous préparer. L’ambiance est géniale : on partage nos astuces maquillage, je découvre comment faire des écailles sur mon visage avec un collant de danse à résille. On enfile nos costumes, tout se passe bien… jusqu’à ce qu’on s’aperçoive qu’un orage s’abat sur Rio.
Il avait fait beau toute la journée, et voilà qu’au moment de partir pour le Sambodrome, la pluie commence à tomber. Alors on enfile des sacs poubelles par-dessus nos costumes pour protéger les plumes, on part comme ça à la concentration.
Retard et intempéries : l’attente interminable sous des trombes d’eau avant de défiler
En arrivant sur place, la pluie redouble d’intensité. On nous demande de ne pas monter tout de suite sur notre char, alors on cherche désespérément un abri, sous le seul pont à proximité.
C’est là que le déluge commence vraiment : une tempête avec vent, tonnerre, éclairs et une pluie diluvienne. C’était très impressionnant, surtout pour un premier défilé.
Le Sambadrome est tellement inondé que toutes les parades s’arrêtent. Il a fallu l’intervention des équipes de nettoyage de la ville pour évacuer l’eau et rendre la piste praticable.
Avec plus de deux heures de retard sur l’horaire annoncé de notre passage, on nous précipite lorsqu’une petite accalmie de l’orage se fait, mais il pleut toujours.
Le temps est compté, et nous sommes plus d’une vingtaine à devoir monter sur le char en moins de 20 minutes. Problème : il n’y a qu’une seule échelle. Alors, on fait avec les moyens du bord, se faisant porter, grimper comme on peut, pour ne pas rater ce moment tant attendu.
Mon premier défilé à bord d’un char sous la pluie : une émotion intense du début à la fin
Nous voilà en place, et le défilé commence. On est trempées, on a froid, et nos plumes ne ressemblent plus à grand-chose sous cette pluie diluvienne.
Mais dès que l’enredo démarre, on aperçoit les spectacteurs, toujours là, malgré l’orage et le froid. Ils se sont abrités comme ils pouvaient, sous des parapluies, des ponchos, des capes… Ils sont présents, ils ont le sourire, ils mettent l’ambiance. Et là, on lâche tout !
La chorégraphie revient, alors qu’on pensait l’avoir perdue, complètement démoralisées par cet orage. Mais le sourire et l’énergie de la foule nous reboostent et nous redonnent vie.
On se met à danser de toutes nos forces, malgré la fatigue, malgré les costumes qui ne ressemblent plus à rien. On y met tout notre cœur, toute notre folie. C’est un moment tellement intense, tellement festif, que je ne réalise même pas qu’on est déjà arrivé à la fin du Sambodrome. Le char a avancé si vite sous cette pluie battante que tout est passé en un éclair.
Fin du défilé : un moment inattendu et émouvant
Quand je réalise que c’est la fin je suis hyper déçue parce que j’ai eu l’impression que je venais de commencer. Je me retourne et je vois l’entrée du Sambodrome au loin. Qu’est-ce qui s’est passé ? J’ai beaucoup de choses qui se sont déroulent dans ma tête.
Et quand on vient me chercher (cette fois-ci avec un monte-charge qui vient me récupérer en haut du char), je réalise que je viens de faire un truc de fou, d’incroyable et mes premiers mots ont été : « c’est magique c’est magique je viens de défiler au plus grand carnaval du monde. Je viens de faire le Sambodrome ! », et j’ai de nouveau pleuré remplie d’émotions positives et d’étoiles plein les yeux.
Malgré l’attente, le froid, la pluie, et un costume qui ne ressemblait plus à un costume, j’ai adoré chaque seconde. J’ai kiffé à fond et maintenant, je n’ai qu’une envie : le refaire encore et encore !
Le lendemain, 2ème défilé au sein de l’école Porto da Pedra
Et cette seconde fois arrive très vite, car je défile à nouveau le lendemain, cette fois-ci avec l’école Porto da Pedra.
C’était une expérience un peu différente puisque j’ai reçu le costume cinq heures avant de défiler ! Il a fallu rapidement faire quelques retouches mais vraiment très peu heureusement ! La préparation est similaire à la veille : on se retrouve entre filles pour se maquiller, rire et partager, mais cette fois l’atmosphère est plus détendue. Je savais désormais à quoi m’attendre !
On part au sambodrome dans un super bel état d’esprit, en métro, dans nos costumes. Mais contrairement à la veille, le temps est au beau fixe et il fait une chaleur écrasante. Le hic ? Nos costumes sont en fourrure !
À la fin du défilé, j’étais littéralement assoiffée, je me suis précipitée vers la première bouteille d’eau que j’ai trouvée. Avec plus de 35°C et un costume tout en fourrure, c’était intense ! Mais, encore une fois, j’avais des étoiles plein les yeux.
Comparaison des expériences entre un premier défilé sur un char et un défilé au sol
L’expérience entre le char et le sol est totalement différente. Je ne saurais dire laquelle je préfère. Sur le char, on s’ambiance plus car on est en hauteur et plus proche des spectateurs.
Par contre, au sol, en tant que passista internationale, c’est autre chose : j’avais l’impression de devoir constamment me battre pour garder ma place et rester sur ma ligne, et m’assurer qu’une autre passista internationale ne vienne pas prendre ma place. C’est ce qui m’a déplu dans le défilé au sol.
Mais malgré ces deux expériences si différentes, avec leurs hauts, leurs bas, leurs moments d’échec et de réussite, rien de tout ça ne m’a démotivée, au contraire !
L’année suivante, je suis repartie pour défiler avec deux autres écoles, l’une au sol, l’autre sur un char. Ce deuxième voyage a aussi eu son lot d’expériences mais cela n’a toujours pas ralenti mon envie de retourner à Rio.
J’ai déjà un projet en tête pour 2025 : défiler en tant que passista officielle pour une école de la série or. Un rêve un peu plus grand, mais tout aussi excitant !
Les leçons apprises lors de ce premier défilé
Ces expériences au carnaval de Rio, et surtout ma toute première en 2019, ont eu un impact énorme sur moi. Elles m’ont fait réaliser que j’étais capable de faire des choses que je n’aurais même jamais imaginées. Jamais je n’aurais pensé défiler un jour à Rio, et encore moins avec à peine six mois de préparation. C’était complètement fou !
Ça m’a aussi donné une nouvelle perspective : l’envie de repousser mes limites, de perfectionner encore plus ma Samba, pour pouvoir donner le meilleur de moi-même lors de ce genre de défilé.
Cette première fois m’a vraiment ouvert les yeux sur ce dont je suis capable, et m’a poussée à viser encore plus haut.
C’est avec cette détermination que je me suis présentée au concours de reine de l’école Davina Samba en juin 2024, un vrai challenge pour moi, après tant d’années à encourager les autres élèves.
Conseils pour les futurs participants pour un premier défilé
Si j’avais des conseils à donner à ceux qui rêvent de partir défiler à Rio, ce serait avant tout de partir avec des gens qui connaissent bien le milieu, parce que ce n’est pas toujours simple.
Mais surtout, partez avec un esprit ouvert ! Laissez de côté l’état d’esprit français, où tout doit être cadré et organisé. À Rio, il faut s’adapter au rythme brésilien. Si on décide de te livrer ton costume juste au moment de la concentration, eh bien c’est comme ça, tu l’auras à ce moment-là !
Et au final, ce n’est pas tant le costume que tu payes mais bien l’opportunité unique de défiler pour une école de Samba au plus grand carnaval au monde.
Alors, lâchez prise et savourez pleinement chaque instant de cette aventure incroyable !
Le mot de la fin
Si je devais résumer cette première expérience de défiler au carnaval de Rio en une phrase : vivement le prochain défilé au sambodrome !
Caroline